Le retail galère à recruter ? Passez en mode mission!
- Sarah Dauguen
- 14 avr.
- 6 min de lecture
Le retail est fatigué. Fatigué de chercher des profils motivés pour bosser les week-ends. Fatigué de former des gens qui partent trois mois plus tard. Fatigué de voir ses directeurs régionaux crouler sous les zones à gérer parce qu’on n’a pas remplacé celui de Lille depuis septembre.
Et pourtant, on continue de faire comme avant. On s’épuise à recruter des CDI quand ce qu’il nous faudrait… c’est peut-être un pompier. Ou un ninja. Ou un boss de mission qui débarque, éteint l’incendie et repart comme il est venu.
Et si on passait en mode mission ?
Le turnover dans le retail :
un problème devenu trop banal
Chaque année, le commerce bat des records… mais pas ceux qu’on aimerait.
En 2021, la DARES a recensé plus de 2,2 millions de départs dans le secteur.
Et non, ce n’est pas parce que tout le monde est parti faire des colliers de coquillages en freelance sur une plage balinaise.
Le problème est structurel :
- Des conditions de travail usantes : horaires décalés, travail le dimanche, pression sur les résultats.
- Une rémunération qui ne suit pas : 48 % des salariés se disent insatisfaits de leur paie.
- Un équilibre vie pro/perso qui fait grise mine : 41 % des employés ressentent une tension permanente.
Résultat ?
Un joyeux manège de recrutements, de formations, de départs, et on recommence.
Sauf qu’à chaque tour, on perd du temps, de l’énergie… et beaucoup d’argent.
Selon TalentLens, le coût total du remplacement d’un salarié peut grimper jusqu’à 1,5 à 2 fois son salaire annuel.
Autrement dit, pour un salaire de 20.000 €, on parle d’une note de 30 à 40.000 € quand on additionne le recrutement, la formation, la perte de productivité et la démotivation ambiante.
Oui, ça pique.
Le « mode mission » : késako et pourquoi ça colle au retail ?
On a tous déjà fait appel à un plombier pour une urgence.
On ne l’a pas embauché en CDI.
Il est venu, il a réparé la fuite, il est reparti.
Et si on appliquait le même principe dans le retail ? C’est ça, le travail en mode mission.
Concrètement, on parle de trois types de profils :
- L’intérimaire : la main rapide pour absorber un pic d’activité ou combler un trou au planning.
- Le freelance : l’expert spécialisé qui intervient sur un projet précis (genre audit merchandising, formation vente, etc.)
- Le manager de transition : le super-héros de la crise. Il débarque quand ça brûle (fermeture de magasin, fusion, absence longue, restructuration) et pilote l’opération commando.
Pourquoi ça fonctionne dans le retail ?
Parce que le terrain est imprévisible, que les pics d’activité sont violents (hello, soldes + Noël) et que les absences stratégiques plombent vite la performance.
Le mode mission, c’est la bonne personne au bon moment, sans s’engager sur 10 ans.
Agile, réactif, et souvent ultra-compétent.
Les avantages… et les freins (mais avec des solutions)
Le mode mission, c’est pas juste pratique. C’est stratégique. Mais comme tout super-pouvoir, il faut savoir l’utiliser.
Les gros + qui font plaisir :
- Flexibilité maximale : Tu as une démission surprise en plein Q4 ? Une grippe du DR Nord ? Un pic d’activité imprévu ? Hop, tu ajustes en temps réel.
- Expertise immédiate : Ces profils arrivent avec les bons réflexes. Pas besoin de trois mois de formation ni de babysitting managérial. Ils sont là pour délivrer, pas pour poser leurs plantes de bureau.
- Zéro charge fixe : Pas de CDI = pas de coût long terme. Tu payes pour la mission, point. Budget maîtrisé, surtout en période de turbulence.
Mais alors… pourquoi tout le monde ne le fait pas ?
1. “Oui mais ils ne s’investissent pas vraiment…”
Pas faux… si tu les lâches dans le magasin sans même un badge.
Solution : onboarding express mais efficace, valeurs claires, objectifs fixés dès le jour 1. Et surtout : les intégrer aux rituels d’équipe (même si c’est pour râler à la pause café).
2. “Ça coûte cher à la journée…”
C’est vrai : 300 à 1 000 € par jour pour un manager de transition, ça peut faire mal au portefeuille.
Mais compare avec : les pertes de chiffre d’affaires, le stress généralisé dans les équipes, le DRH qui craque parce qu’il couvre trois régions.
Le vrai coût, c’est l’inaction. Un manager missionné, c’est de la performance tout de suite.
Et souvent, le retour sur investissement est visible en moins de trois mois.
3. “Ils vont être déconnectés des équipes fixes…”
Oui, si tu les traites comme des extraterrestres.
Solution : binômes avec les équipes en place, débriefs collectifs, partages d’expérience… Bref, tu les inclus comme un renfort, pas comme un meuble temporaire.
Cas concrets et bonnes pratiques:
Le « mode mission » dans le retail, ce n’est pas qu’une belle idée sur un PowerPoint. Des enseignes l’ont déjà fait. Et pas juste pour la déco.
Sephora:
Quand Sephora a dû accélérer sa transition omnicanale, elle n’a pas embauché à tour de bras. Elle a missionné des managers de transition pour piloter des projets stratégiques (digitalisation, réorganisation, gestion de crise). Résultat ? Une meilleure continuité opérationnelle… et une transformation maîtrisée sans faire imploser les équipes en place.
Galeries Lafayette:
Pendant les périodes clés (soldes, fêtes), les Galeries ne parient pas sur la chance. Elles renforcent leurs effectifs avec de l’intérim qualifié, parfois jusqu’à des postes de management de surface. Objectif : garder un service client irréprochable même quand les cabines débordent et les files s’enroulent dans les rayons.
Nordstrom (US):
Côté américain, Nordstrom a fait appel à des managers externes pour gérer certaines périodes de transition (restructuration, évolution des modèles de vente). Ils ont mis en place un onboarding structuré et intégré ces profils dans les instances de décision. Résultat ? Niveau de service client maintenu, même en pleine tempête interne.
Conclusion de cette section ?
Quand c’est bien pensé, le mode mission sauve les meubles… et fait même rentrer du cash. Mais à condition de sortir du “freelance bouche-trou” et d’avoir une vraie stratégie d’intégration.
Le vrai sujet : recruter autrement, penser globalement.
Le mode mission, ce n’est pas un pansement. Ce n’est pas non plus une rustine RH qu’on colle dans un coin « en attendant mieux ».
C’est un outil stratégique. Et comme tous les bons outils, il est inutile si tu ne sais pas t’en servir.
Le danger ? Penser court terme. Se dire qu’on va "boucher un trou" au lieu de se demander comment améliorer le système.
Ce qu’il faut mettre en place :
- Un audit rapide mais précis : où est-ce que ça coince ? Est-ce qu’un profil missionné est la meilleure solution ? Pour combien de temps ?
- Des objectifs clairs : pas de "fais ce que tu peux" — on cadre la mission avec des KPIs et des livrables.
- Un onboarding express mais solide : présentation aux équipes, immersion dans la culture maison, accès aux infos essentielles.
- Un suivi régulier : 1 point hebdo pour ajuster, réorienter, et garder la mission alignée avec les enjeux.
- Un lien avec les équipes internes : pour que le manager de mission ne soit pas un satellite, mais un vrai renfort.
Et au final ?
Les entreprises qui réussissent à penser « mission » dans une logique RH globale ne remplacent pas leurs CDI.
Elles les protègent. Elles évitent de surcharger leurs managers déjà en place.
Elles assurent la continuité sans sacrifier la qualité.
Et souvent… elles en sortent plus fortes.
Conclusion :
Le mode mission, ce n’est pas une mode.
C’est un mindset.
On peut continuer à faire comme avant. Laisser les postes vacants.
Sur-solliciter les équipes en place. Attendre que la DR craque, que les résultats dégringolent, et que le N+1 te demande pourquoi "personne n’a vu venir le truc".
Ou on peut être malin. Utiliser le mode mission comme un levier.
Pas une solution par défaut, mais une stratégie assumée pour traverser les périodes critiques sans sacrifier les gens, la perf, ou l’ambiance.
Parce que non, remplacer un directeur régional par un PowerPoint de process, ça ne marche pas. Mais missionner un pro aguerri qui connaît le terrain, qui débarque avec un plan, qui rassure les équipes et redresse la barre ? Là, on parle.
Alors…Et vous ? Vous attendez que tout parte en fumée pour missionner ?
Ou vous commencez à construire une vraie stratégie RH à la hauteur du terrain ?

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